[INTERVIEW] Comment construire collectivement le « futur désirable » d’une entreprise

johan standbrainlinksRencontre avec Johan Gautier, co-fondateur de Brainlinks (plateforme spécialisée dans les solutions d’innovation managériale)

Observatoire COM MEDIA. Quelles sont les activités de votre entreprise ? Johan Gautier. : Brainlinks a été créée suite au constat que les directions générales des grands groupes semblaient bien seules lorsqu’il s’agissait de partager leur vision, leurs ambitions et leurs plans de développement avec l’ensemble des collaborateurs et gagner leur adhésion. Parallèlement, ces derniers souffrent parfois de travailler à l’aveugle et toujours davantage, sans savoir si leurs actions sont en adéquation avec les objectifs de leur direction.

O.C. : Quelles sont les solutions que vous apportez aux entreprises en matière de management ? En quoi le digital rend possible ces innovations ? J.G. : Les réseaux sociaux permettent aux directions générales d’échanger avec les collaborateurs mais ne sont pas orientés « solution ». D’un autre côté, la grande enquête annuelle est plus structurée et formalisée mais elle atteint vite ses limites car elle ne permet qu’un choix limité de réponses à un très grand nombre de questions. C’est un procédé vite rébarbatif et très peu de collaborateurs prennent le temps d’y répondre et n’en tirent aucun plaisir. Aucune de ces solutions n’instaure une véritable discussion entre direction et collaborateurs.

 C’est pourquoi nous avons créé un canal d’expression libre avec notre application mobile Toguna. « Canal » car les thématiques sont déterminées par la direction à la différence d’un forum. « Expression libre » car chaque collaborateur est libre de rédiger sa contribution, plutôt que de cocher des cases, et de voter pour ses contributions préférées. Cette méthodologie permet de dégager des bulles de consensus positif ou négatif, voire l’absence d’intérêt pour chacun des thèmes présentés. Au final, une équipe dirigeante obtient une photographie précise des énergies et des intérêts de ses collaborateurs qui la renseigne sur les valeurs, les chantiers et les opérations qu’elle peut actionner en priorité pour faire avancer ses plans de développement

O.C. : En quoi les relations entre direction générale et collaborateurs ont elles évolué jusqu’à l’éclosion du digital ? J.G. : L’appropriation par les collaborateurs des objectifs de la direction générale demeure un enjeu majeur pour les grands groupes. Au cours des années 70, les directions générales ont cherché à sortir des mécanismes basés sur la simple exécution pour impliquer davantage les collaborateurs aux objectifs des entreprises. Les années 80 et début 90 ont vu se multiplier les événementiels afin de provoquer une émotion fédératrice autour des valeurs de l’entreprise. Au milieu des années 90 est apparu le storytelling à destination aussi bien des consommateurs que des employés. Fin des années 90, les agences de communication multipliaient les supports internes qui étaient affichés à l’attention des collaborateurs. Malheureusement, ces derniers découvraient leurs contenus le plus souvent sans avoir été consultés au préalable.

 Aujourd’hui, les entreprises  recherchent une innovation managériale à laquelle répond Brainlinks. Nous sommes au cœur de ce grand chantier qui consiste à se dire que ce n’est pas tant la finalité du chemin qui compte que le chemin lui-même. Autrement dit, nous permettons à chaque collaborateur de participer à la vision de son entreprise et à son avenir.

 Notre solution permet ainsi aux entreprises de poser les jalons de la construction collective d’un « futur désirable » pour reprendre l’expression d’un de nos clients.

O.C. : Par quels moyens et sous quelles conditions selon vous, les nouveaux supports de communication peuvent-ils satisfaire la mise en place d’une relation constructive et pérenne entre directions générales et collaborateurs ? J.G. : Comme exemple concret, je cite souvent l’importance grandissante des smartphones dans la révolution digitale. Avant l’utilisation des smartphones, les campagnes se contentaient sur les forums d’un affichage « one to many » sans possibilité d’analyser les réactions qu’il suscitait. Cette absence de feedback rétroactif rendait impossible la mise en place d’un management participatif et les entreprises se voyaient contraintes de fonctionner en mode pyramidal.

Notre smartphone est un objet personnel que nous n’aimons pas prêter car nous y stockons des pans entiers de notre vie privée. Partant de là, il est possible de considérer qu’un smartphone est un prolongement de nous. Cette cardinalité 1-1 entre un smartphone et son propriétaire ouvre de toutes nouvelles perspectives qui permettent de libérer le « talent collectif » d’un groupe, tout comme dans une cité il est possible d’extraire « l’intelligence collective » des citoyens. Cela passe tout d‘abord par la libre circulation des idées et des valeurs. Cependant, nous sommes tous identifiés sur notre smartphone aussi se sont posées rapidement des questions liées à la sécurité des solutions, au respect de la personne interrogée et à la collecte suivie du traitement de la data.

Concernant la data, deux grandes écoles s’opposent. Celle qui prône la sécurité la plus absolue en verrouillant les processus et les datas et celle qui est beaucoup plus ouverte, inspirée par les concepteurs de logiciels libres, qui prône une data libre. Nous avons opté pour la deuxième école et c’est pourquoi nous ne stockons aucune donnée personnelle au sens de la CNIL. Tout l’enjeu de nos solutions a été de sécuriser chaque vote afin d’en garantir l’anonymat et cela nous a demandé du temps pour aboutir à une solution optimale. Ce qui compte n’est pas de déterminer qui a répondu mais d’analyser les tendances émises par l’ensemble des participants afin de déterminer les pistes à explorer pour avancer collectivement et susciter l’adhésion de tous vers un cap qu’il sera toujours possible de corriger au fil du temps et des consultations.

Notre solution concerne les entreprises ayant atteint une taille qui les empêche d’entretenir une relation « one to one » avec chacun des collaborateurs. Son efficacité atteint son optimal pour des structures dépassant les deux cents personnes.

Nous avons d’ailleurs réfléchi à étendre notre solution à d’autres univers que celui de l’entreprise. Nous pensons que notre solution faciliterait la consultation citoyenne notamment pour mettre en place de budgets participatifs.

O.C. : Quel est votre point de vue sur les actions menées par l’Observatoire COM MEDIA ? J.G. : Nous apprécions cette capacité d’insuffler le changement porté par les start-ups au sein des grands groupes en les gardant sur un même pied d’égalité en vue d’une création de valeur qui soit bénéfique à tous. J’apprécie également l’organisation d’événements tout au long de l’année et preuve en est, notre participation comme exposant aux Chemins de l’Innovation le 17 mai dernier.

About the Author

L’Observatoire COM MEDIA regroupe, depuis 2008, près de 300 acteurs de la filière de la communication (annonceurs, prestataires et institutionnels). L’association a matérialisé son positionnement autour des enjeux de la nouvelle économie de la communication. Les travaux réalisés portent sur le décloisonnement des métiers/secteurs, sur la structuration de la filière (constituée de 41 000 entreprises réparties en 19 secteurs d’activité) et sur l’accélération du business des entreprises par leur mise en relation entre les acteurs à travers des événements, des groupes de travail et des plateformes numériques.

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