Rencontre avec Jonathan Stock, co-fondateur de Playbots (plateforme spécialisée dans la création de chatbots)
Observatoire COM MEDIA : Comment est née Playbots ?
Jonathan Stock : Playbots a un an et repose depuis sa création sur deux piliers, l’expérience utilisateur et l’intelligence artificielle. Une partie de notre équipe a travaillé plusieurs années dans la conception et la réalisation de jeux sur mobiles, les autres viennent de la R&D en rapport avec la compréhension du langage. Nous nous sommes intéressés aux problématiques soulevées par le e-commerce et plus particulièrement sur celles rencontrées par les utilisateurs des sites marchands qui sont trop souvent livrés à eux-mêmes. Le constat posé, nous avons proposé des solutions nouvelles s’appuyant sur nos expertises en concevant des bots accompagnants le visiteur tout au long de son parcours d’achat en lui prodiguant des conseils personnalisés.
O.C. : Qu’est-ce qu’un chatbot ?
J. S. : Un chatbot, ou agent conversationnel en français, est une intelligence artificielle avec laquelle il est possible de discuter par écrit ou par la voix. Il existe des chatbots depuis longtemps et des recherches sont menées dans ce domaine depuis plus de cinquante ans. Mais, ils sont revenus en force depuis un an environ lorsque plusieurs géants du net ont autorisé les marques à y faire appel sur leurs plateformes pour échanger avec leurs clients. Aujourd’hui, les technologies sont suffisamment matures pour permettre aux marques de s’exprimer d’une façon naturelle via les chatbots dont l’intelligence est double. D’un côté, ils peuvent reconnaître ce que l’utilisateur dit ou écrit et de l’autre, ils sont capables de lui apporter une réponse satisfaisante. Lorsqu’ils interagissent par l’écrit, les points de contact principaux des chatbots sont les messageries instantanées ou les fenêtres sur un site web ou une application mobile. Grâce à la voix, un chatbot peut être utilisé en voiture ou dans une maison intelligente par exemple.
O.C : Face à la multiplication des offres et de l’exigence croissante des clients en matière de qualité de services, en quoi un chatbot peut-il se distinguer ?
J. S. : Dans le e-commerce, il est possible dès à présent d’échanger avec des conseillers d’une marque mais il n’est pas possible de les contacter tôt le matin, tard le soir voire la nuit. Or, les études démontrent que ces créneaux horaires sont ceux qui sont privilégiés par la majorité des internautes pour réaliser leurs achats. L’intelligence artificielle présente l’avantage d’être disponible 24/24 et 7/7. Si elle est bien programmée, l’IA est en capacité de connaître à tout moment les offres promotionnelles mises en avant par la marque et adapter son discours au profil de son interlocuteur. Enfin les chatbots peuvent reconnaître un visiteur quel que soit le canal qu’il utilise, le suivre, mémoriser toutes ses demandes et analyser l’ensemble de ses achats afin d’affiner ses réponses par la suite. En plus, ils sont d’humeur égale.
O.C. : Comment ces intelligences évoluent-elles, peuvent-elles apprendre des questions qu’on lui pose ?
J.S. : Le « machine learning », cette capacité qu’auraient les machines à apprendre par elle-même, véhicule une part de fantasme chez le grand public. La technologie permettrait aux chatbots d’apprendre et d’évoluer mais aucune marque ne souhaite leur accorder cette liberté afin de garder le contrôle du contenu de leurs réponses. Personne n’est disposé à laisser une machine ou un programme prendre des initiatives qui n’aient pas reçu l’aval d’un humain au préalable Aujourd’hui, nous veillons à satisfaire 95% des requêtes possibles avant de lancer un bot. Pour les 5% restants, lorsque le bot ne comprend pas une question, notre interface nous permet d’en être alertés. Le bot propose alors une mise en relation avec un humain qui pourra renseigner le visiteur tandis que nous rajoutons la réponse à laquelle l’IA n’a pas su répondre à sa base de données. Une IA n’a pas réponse à tout, elle ne sait apporter une information qu’aux requêtes les plus fréquentes laissant aux humains d’intervenir pour les cas les plus complexes. Cette complémentarité hommes-machines facilite le travail des départements de SAV et leur permet de se concentrer sur les interventions à plus haute valeur ajoutée.
O.C. Y-a-t-il un profil type d’utilisateur particulièrement en phase avec ces nouvelles technologies ?
J.S. : En règle générale, le profil des utilisateurs dépend avant tout du point de contact. Ce qui compte pour la majorité des utilisateurs est d’obtenir une réponse précise et immédiate quel que soit l’âge ou la catégorie socio-professionnelle. Un bot propose systématiquement à l’internaute de le mettre en contact avec un être humain ou de poursuivre avec lui. Mais dans le premier cas, il peut y a voir un temps d’attente plus ou moins long selon l’horaire (de quelques minutes à plusieurs heures) tandis que la prise en charge par le bot est immédiate. Nous veillons à mesurer le degré de satisfaction des internautes qui ont été en relation avec un bot en nous assurant pour chaque question que l’information donnée par l’IA correspond bien aux attentes de l’utilisateur. Le bot rend plus ludique, plus interactif et au final plus agréable, le parcours d’un visiteur sur un site notamment lorsqu’il s’agit de renseigner un formulaire. Les marques qui ont fait appel à notre solution ont constaté un meilleur taux de transformation et que leurs clients répondaient davantage à des questions touchant le domaine du privé.
O.C. : Quelles sont les applications possibles pour ces chatbots en dehors des marques ?
J.S. : Dans le BtoC, on voit se développer des assistants personnels qui facilitent les réservations de billets ou de chambres d’hôtel. Même si cela reste confidentiel en France, des patients sont mis en relation avec des bots médicaux chargés de procéder à un premier interrogatoire avant la mise en relation avec un médecin. L’immobilier et le bien-être sont deux secteurs où apparaissent des bots qui agissent comme des coachs. Ces IA se comportent comme des supers moteurs de recherche à la différence près que vous pouvez émettre une question complexe plutôt que de renseigner une suite de mots clés. Enfin, des journaux ou des sites d’informations permettent dès à présent à leurs lecteurs d’interagir avec des bots qui leur proposent des d’informations personnalisées.
O.C. : Quel est votre point de vue sur les actions menées par l’Observatoire COM MEDIA ?
J.S. Nous avons participé récemment aux « Réveils : de l’innovation » et j’ai trouvé le discours qui s’y est tenu, surprenant et courageux. Je pense qu’il est trop rare de voir ainsi les grands groupes interpellés sur l’importance d’investir dans les start-ups. En tant que fondateur d’une jeune start-up, je trouve réconfortant de ne plus se sentir seul et que l’Observatoire COM MEDIA porte nos problématiques dans une optique assumée de développement du business.