[INTERVIEW] Comment développer une communauté d’indépendants compétents, motivés et solidaires

Rencontre avec Nicholas de Roüalle co-fondateur de Manners

Observatoire COM MEDIA : Quels ont été les éléments de réflexion qui vous ont amené à fonder Manners ?

Nicholas de Roüalle : Nous avons constaté avec mon associé Benjamin Delacour qu’il était compliqué de travailler de façon flexible lorsque nous réalisions nos études. Le travail à la demande n’existait pas vraiment et les agences d’intérim étaient trop contraignantes (salaire faible, délais de paiement importants, expulsion des agences en cas de refus de mission, déplacements incessants, etc.). De ce constat, nous avons décidé de nous mettre à notre compte et vendre directement nos prestations à nos clients. En réduisant par deux la facture finale, nos premiers clients ont tout de suite été conquis. Après 3 mois de test avec un petit réseau d’une dizaine d’amis auto-entrepreneurs, nous avons donc monté Manners et décidé d’accompagner les jeunes auto-entrepreneurs dans leurs démarches. Aujourd’hui nous accompagnons les entreprises dans leurs recrutements ponctuels sur différents métiers liés à l’événementiel (accueil, restauration, service, vente, animation, etc.).

O.C. : Quel a été l’accueil des entreprises ?

N.R. : Nous avions des clients avant de créer notre société et nous formions déjà un petit groupe d’autoentrepreneurs qui travaillaient ensemble alors que la plateforme n’existait pas. Ce sont surtout les petites structures qui ont bien accueilli notre offre car nous étions moins chers que nombre de structures traditionnelles avec un staff de qualité. Nos clients sont variés : nous travaillons en direct avec les entreprises (du grand groupe à la startup), avec les agences événementielles/communication et également avec les agences d’intérim et agences d’hôtesses. Par contre, nous avons rencontré à nos débuts, des résistances chez des grandes entreprises qui ne nous connaissaient pas. Elles paraissaient déboussolées par notre nouveau concept et avaient quelques réticences à faire appel à des travailleurs indépendants dont les contrats pouvaient être contestés par l’administration. Nous avons dû répondre également à leurs questionnements sur la facturation des prestations via la plateforme. En effet, nous nous occupons des factures des prestataires et passons par un compte de transition qui sert aux paiements. Ces nouveaux concepts entrent peu à peu dans les mœurs pour peu que l’on s’applique à bien les expliquer en amont.

O.C. : En quoi le digital apporte-t-il une valeur ajoutée pour tes clients ?

N.R. : Le digital apporte de la réactivité, de la rapidité et de la simplicité. La réactivité permet à une entreprise de trouver un prestataire pour le jour même ou un week-end après que sa demande de devis ait été immédiatement renseignée. Elle peut rapidement et facilement faire part de ses besoins et trouver les profils qualifiés qui lui conviennent le mieux. Les prestataires sont évalués en amont par nos équipes puis notés par les clients. Enfin, nous simplifions sur notre plateforme, les procédures de règlement des prestations et assurons leur suivi. Grâce au digital, notre plateforme propose ce nouveau concept qui consiste à mettre en relation tout un réseau d’indépendants compétents et travaillant dans l’évènementiel (les « Manners »), avec des entreprises ayant besoin de services ponctuels qu’elles ne peuvent ou ne veulent pas internaliser. La plupart des Manners sont jeunes et 95% d’entre eux complètent leurs revenus et ont une autre activité par ailleurs, comme étudiant, chef d’entreprise ou salarié.

Enfin, nous n’avons pas vocation à nous occuper de la relation entre les fournisseurs de services et les donneurs d’ordres mais grâce au digital, nous pouvons désormais mettre à disposition des messageries dédiées à chaque mission leur permettant de dialoguer et de se mettre à disposition des documents de travail en toute confidentialité

O.C. : Quelle protection Manners offre-t-elle aux travailleurs indépendants sur sa plateforme ? En quoi, ce statut pourrait-il être amélioré dans l’absolu ?

N.R. : Nous avons tout d’abord souscrit à une assurance de responsabilité civile professionnelle pour les Manners passant par notre plateforme. Cette assurance n’est pas obligatoire mais nous l’avons fait pour eux et ils trouvent là un avantage indéniable. Dans notre modèle, nous nous rémunérons via une commission sur le chiffre d’affaires des indépendants qui passent par notre plateforme. Le service est totalement gratuit pour les entreprises. Plus qu’une protection, Manners agit pour les indépendants comme un apporteur d’affaires et un assistant administratif en s’occupant de leurs factures et du suivi de leurs paiements. Après chacune de leur mission réalisée via la plateforme, nous leur envoyons un récapitulatif et tous les mois, un rapport d’activité, afin qu’ils puissent s’occuper de leur comptabilité plus facilement et payer leurs charges en toutes quiétude.

Enfin, nous avons développé une communauté avec nos Manners, et comme nos équipes sont jeunes et impliquées, nous organisons régulièrement des événements afin qu’elle soit soudée.

Je déplore qu’on ne parle pas assez du statut du travailleur indépendant même s’il s’agit de bien distinguer celui qui travaille pour un complément de revenus de l’indépendant qui n’a qu’une activité. Il faut davantage simplifier le régime des indépendants plutôt que de le complexifier. Même les administrations s’y perdent et se renvoient la balle. Je note cependant que la situation s’est améliorée ces dernières années même s’il reste des points d’amélioration notamment au niveau de la protection sociale.

O.C. : On constate un essor des plateformes collaboratives, qu’en pensez-vous ?

N.R. : Les plateformes collaboratives ont juste répondu à un besoin croissant d’un travail plus accessible, plus flexible et plus « on demand ». Elles ont permis d’accélérer cette tendance grâce aux facilités offertes par le digital. Cependant, il faut que l’Etat adapte la législation du travail qui date du siècle dernier aux nouveaux modèles portés notamment par les plateformes collaboratives mais aussi par les travailleurs qui sont indépendants et comptent bien le rester

O.C. Quel est votre point de vue sur les actions menées par l’Observatoire COM MEDIA ?

N.R. : Nous avons tout de suite adhéré aux valeurs portées par l’Observatoire COM MEDIA. Nous sommes particulièrement sensibles à sa volonté de rééquilibrer les relations entre les grands donneurs d’ordre et les dirigeants d’entreprises comme les start-ups. Moi-même, J’ai apprécié de pouvoir accéder à des décideurs de grands groupes dans une optique clairement affichée de développement du business.

About the Author

L’Observatoire COM MEDIA regroupe, depuis 2008, près de 300 acteurs de la filière de la communication (annonceurs, prestataires et institutionnels). L’association a matérialisé son positionnement autour des enjeux de la nouvelle économie de la communication. Les travaux réalisés portent sur le décloisonnement des métiers/secteurs, sur la structuration de la filière (constituée de 41 000 entreprises réparties en 19 secteurs d’activité) et sur l’accélération du business des entreprises par leur mise en relation entre les acteurs à travers des événements, des groupes de travail et des plateformes numériques.

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