#Blockchain, pourquoi lancer une réflexion sur ses règles de gouvernance ?

20170307-paxton-cr-001La blockchain fait parler d’elle de plus en plus notamment à travers le Bitcoin, mais résumer cette technologie à cette seule monnaie virtuelle serait une erreur tant elle est susceptible de modifier les comportements des acteurs de nombre de filières notamment celle de la communication. L’Observatoire COM MEDIA a échangé avec Sylvain Cariou, expert en stratégie et organisation au sein de la société Crystalchain1. et président de la commission française de normalisation de la blockchain pour l’ISO. Crystalchain développe des applications blockchain pour la traçabilité de produits, de service et de document, et aussi des applications pour aider les entreprises à se conformer à la GDPR.

Si la blockchain est difficile à maîtriser techniquement  et d’un principe assez simple à comprendre, il est encore assez compliqué de définir à quoi elle pourrait servir concrètement.

Je dirais plutôt : La blockchain est une technologie complexe techniquement, mais ses fonctionnalités de base sont assez simples à comprendre. Cela dit, il reste toutefois complexe d’imaginer et de mettre en œuvre ses applications concrètes. Parallèlement, côté utilisateurs, il existe une myriade d’organisations et d’entreprises partenaires formant des consortiums aux besoins et objectifs très variés. Réfléchir à cette technologie rappelle la situation du haut débit lorsqu’il arrivait chez les particuliers et dans les entreprises il y a une vingtaine d’années et que les uns comme les autres se demandaient à quoi il allait pouvoir leur servir.

Les enjeux de la blockchain.

Trois enjeux majeurs du Blockchain sont le contrôle, l’organisation et le business.

Le contrôle.
Il est possible notamment de traiter des problématiques liées à la qualité d’un produit (suivi d’un processus de fabrication, lutte contre la contrefaçon ou respect des normes).

L’organisation.
L’utilisation d’une blockchain ne paraît pas des plus pertinentes lorsqu’elle est utilisée dans une seule entité, elle peut s’avérer utile pour une multinationale à la tête d’un important réseau de filiales. La blockchain prend réellement tout son sens pour des consortiums pour leurs partages d’informations ou à accélérer tout en la normalisant l’échange d’informations.

Business.
La blockchain actionne des leviers au profit du business des entreprises. Ainsi, elle facilite la réduction des coûts en évitant les contrôles redondants. Elle permet également à des fabricants de produits ou des fournisseurs de services, de procéder à un véritable suivi pour tracer des opérations de maintenance ou l’avancement d’un projet étape par étape. Elle permet aussi de valoriser auprès du client final, entreprise ou particulier, le produit ou service en prouvant son origine et la qualité des opérations subies.

Quoi qu’il en soit, il existe autant d’utilisations possibles d’une blockchain que d’organisations.

Ses contours une fois dessinés, une blockchain, pour être efficace, réclame qu’elle soit portée par l’ensemble de ses utilisateurs. Cependant, le « lead » peut revenir pour un temps à une seule des parties prenantes qui rassemblera les énergies comme un syndicat, une fédération ou parfois un participant plus volontaire que les autres ou maîtrisant d’avantage la technologie.

Les travaux de l’ISO sur la blockchain
En matière de Blockchain, les aspects de gouvernance deviennent vite aussi importantes (voire davantage) que les solutions techniques car une fois définies les premières règles, des questions demeurent. Qui a l’accès à quoi ? Quoi décide de quoi ? Un participant peut-il se greffer après coup à la blockchain ? Et sous quelles conditions et jusqu’à quel niveau de confidentialité ? Un partenaire peut-il en sortir ? Si oui, quid de ses données ? A-t-il le droit de les exploiter pour ses propres besoins ?

Une blockchain est un Groupement d’Intérêt Economique avec son pacte d’actionnaires qui exige une gouvernance précise pour éviter les litiges. Il s’agit du même type de questions que des entreprises peuvent se poser lorsqu’elles mettent en place un partenariat, un GIE ou une Joint Venture.

Cette technologie étant de plus en plus utilisée par des entreprises, elle fait l’objet d’une initiative de l’ISO qui a démarré ses travaux portés par 27 pays dont la France. Mais si beaucoup d’associations de développeurs open source comme Hyperledger ou Ethereum  s’intéressent aux aspects techniques ou aux POC autour de la blockchain, trop peu abordent le sujet de la gouvernance qui comprend le pilotage et les relations entre les parties prenantes. C’est qu’une blockchain soit ouverte, partagée et égalitaire qui plait à ses utilisateurs autant atouts qu’il faut savoir préserver. Sont abordées également durant les travaux des commissions des problématiques d’ordre juridique comme la responsabilité des utilisateurs face au traitement des données et aux sanctions éventuelles comme celles qui sont prévues par la future GDPR.

Les questions liées à une blockchain sont les mêmes pour un consortium que celles d’un hébergeur en cas de publication de contenus illégaux et du partage des responsabilités. Il en de même pour les questions de sécurité ou juridiques., il faut bien différencier les blockchains privés (consortium) où chaque utilisateur est clairement identifié, des blockchains publics qui sont autrement plus complexes à réglementer et à contrôler.

Une blockchain réussie doit associer technologie et utilisation
Au-delà de ces questions légitimes, les différentes parties prenantes désireuses de se regrouper au sein d’une blockchain identifient en amont le projet sur lequel elles veulent travailler car une fois les règles générales fixées, des règles de fonctionnement plus précises devront être rédigées aussi bien autour des aspects métier/gouvernance que des aspects techniques qui touchent à des considérations d’ordre juridique, commercial, organisationnel et technologique.

La compréhension d’un métier ou la collaboration avec un expert métier est un maillon essentiel pour garantir l’utilité d’une blockchain en matière de process.

La compréhension des technologies inhérentes à la blockchain est un sujet assez délicat à maîtriser pour une utilisation métier car il existe des contraintes à prendre en compte (délai de traitement, taille des enregistrements, et souvent des briques techniques comme des bases de données, des index pour réaliser des recherches, des gestions de droits à l’image, des enregistrements de contrats voire des transactions grâce un porte-monnaie propre à une marque avec des points crédités ou des bons d’achat).

Pour certains projets de blockchain, si les contributeurs sont identifiés voire audités, les lecteurs des informations de la blockchain peuvent être anonymes et illimités en nombre, tout comme un processus de traçabilité d’un produit alimentaire où les producteurs sont connus et les résultats, au préalable condensés, accessibles à n’importe quel consommateur.

Une majorité de blockchains privées est encore à l’état de POC et il n’est pas encore nécessaire de rédiger un véritable contrat de gouvernance. De plus, les fondateurs d’une blockchain travaillant déjà ensemble ne veulent pas briser leur relation de confiance en trahissant la bienveillance qui anime généralement la mise en place d’un tel projet.

Une blockchain peut être très utile également pour des acteurs publics comme des communautés de communes dont l’objectif initial est de mettre en commun leurs ressources (transports, locaux, etc). Cependant, les changements d’équipes du fait de l’alternance démocratique obligent souvent les différentes parties prenantes à réfléchir sur les droits et les devoirs de chacune.

La blockchain évolue très rapidement et la majorité de ses utilisations est encore inconnue à ce jour. Au fur et à mesure que des projets blockchain se répandront, il deviendra nécessaire de leur apposer des conditions d’utilisation contractuelles qui sont normées.

Quoiqu’il en soit, elle s’inscrit dans une démarche participative et globale qui pourrait influencer dès à présent les stratégies de nombreux consortiums d’entreprises y compris celles de communautés de la filière communication et marketing pour laquelle les applications ne manquent pas2.

1 Crystalchain -www.crystalchain.io
Crystalchain est une société de conseil et de développement spécialisée dans la technologie blockchain.

2 http://obs-commedia.com/actu/1000emplois1000entreprises-recruter-et-enrichir-sa-propre-experience/

About the Author

L’Observatoire COM MEDIA regroupe, depuis 2008, près de 300 acteurs de la filière de la communication (annonceurs, prestataires et institutionnels). L’association a matérialisé son positionnement autour des enjeux de la nouvelle économie de la communication. Les travaux réalisés portent sur le décloisonnement des métiers/secteurs, sur la structuration de la filière (constituée de 41 000 entreprises réparties en 19 secteurs d’activité) et sur l’accélération du business des entreprises par leur mise en relation entre les acteurs à travers des événements, des groupes de travail et des plateformes numériques.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.