La réalité virtuelle ne se résume pas à un casque

L’Observatoire COM MEDIA avait déjà abordé le sujet des « réalités alternatives » que permettent de créer et d’explorer les nouvelles technologies1. Au-delà-de leur simple description, il importe de réfléchir à leur avenir, à leurs possibilités mais aussi à leur utilisation et la place que devra s’y faire l’humain.

C’est avec Mohamed Marouene, co-fondateur de SoWhen?2,que nous nous projetons dans une réflexion aux enjeux bien réels

Le jeu vidéo, le « faux ami » de la réalité virtuelle
Si les fondements de la réalité virtuelle remontent aux années soixante, elle a été introduite auprès du grand public par le biais du divertissement et plus particulièrement celui du secteur du jeu vidéo avec le développement récent de casques comme l’Oculus Rift. L’image du joueur casqué, coupé du monde réel et plongé dans « son » univers virtuel s’est imposée dans l’inconscient collectif. La réalité virtuelle a été associée au casque qui est devenu par conséquence le seul support possible pour s’y connecter. Du coup, le marché s’est focalisé dessus et s’est lancé dans une course au casque présentant la meilleure résolution, bénéficiant de la plus grande autonomie et avec toujours plus d’options. Le prix des casques reste élevé et freine la démocratisation de ces nouvelles technologies. Toutes ces limites (encombrement, utilisation, prix) posent un certain nombre de questions autour du casque alors que la réalité virtuelle dépasse de loin ce dernier.

L’utilisation de la réalité virtuelle concerne une multitude de domaines dont beaucoup encore méconnus
La réalité virtuelle n’est donc pas définie par son point de contact et par conséquent par le casque, mais par le contenu qu’elle porte, ou plutôt par les contenus qui peuvent être passifs ou interactifs.

Les premiers sont des films en réalité virtuelle qui ont été filmée avec des caméras jusqu’à 360°, qui ont été créés en images de synthèse ou un mélange des deux. Ils sont immersifs mais le spectateur se contente de les regarder.

Les contenus interactifs permettent au spectateur d’interagir avec l’environnement auquel il est connecté. Si l’on pense en premier aux jeux vidéo, il existe d’autres applications notamment celles concernant la formation des personnels comme les pilotes d’avions au moyen de simulateurs de vol dans un vrai cockpit dont les ouvertures remplacées par des écrans affichant un environnement détaillé et réaliste.
Ces contenus sont accessibles grâce à des outils bien différents dont le casque fait partie. Un smartphone peut basculer en mode VR et voir son écran devenir une fenêtre vers un monde imaginaire ou filmé comme une conférence.

À partir du moment où l’on a créé un univers qui soit complètement étendu à 360°, il est possible tout simplement de le diffuser aussi bien dans une géode qu’une pièce toute simple grâce à des vidéoprojecteurs alignés pour ne projeter qu’une seule et même image continue tout autour des spectateurs.

Au final, si le casque permet une expérience plus immersive grâce à l’isolement qu’il procure, il n’est en rien obligatoire pour se connecter à une réalité virtuelle.

Pour démocratiser et montrer au grand public toute l’étendue de cette technologie, les développeurs et créateurs doivent proposer des contenus de qualité plutôt que de se concentrer sur un simple outil. Malheureusement, beaucoup trop de start-ups se cantonnent à parler de l’outil et oublie la notion même de réalité virtuelle c’est-à-dire une nouvelle réalité qui génère ses propres sensations et émotions.

La réalité virtuelle est en quête de sens
Dans la vie de tous les jours nous sommes plongés dans une réalité « initiale » que nous pouvons voir, entendre, toucher, sentir et goûter. Si les technologies liées à la réalité étendue sont capables de faire appel à notre vue et notre ouïe, il n’en est pas de même pour nos trois autres sens. Mais la technologie progresse et l’on voit apparaître les premiers prototypes capables de procurer une sensation tactique au contact d’objets virtuels qui ne sont par définition que des lignes de codes. A terme, la réalité virtuelle pourrait permettre à tout à chacun de recouvrer des sensations perdues du fait d’un accident ou d’une maladie. Elle pourra aussi étendre notre espace de vie et nous proposer des environnements imaginaires ou inaccessibles.

D’une réalité virtuelle simple objet de consommation à une nouvelle dimension
Ce qui deviendra à l’avenir des réalités croisées dépendra de nos choix technologiques mais aussi sociétaux ou moraux. A l’heure actuelle, il existe une multitude de réalités virtuelles plus ou moins étendues et sophistiquées qui sont autant de vecteurs isolés et incompatibles les uns avec les autres car trop différents. Cette technologie pour qu’elle trouve toute son utilité et développe tout son potentiel, devra être accessible de manière instantanée avec des connexions de plus en plus simples à manipuler et ergonomiques. Tout comme l’Internet est devenu un réseau mondial, la réalité virtuelle doit tendre vers la création d’une dimension unique qui deviendrait une extension naturelle de la réalité initiale.

Parvenir à ce résultat nécessite la convergence de nouvelles technologies pour créer une expérience ultime.

La convergence des technologies au service des humains
La convergence des technologies au service de l’humain concerne cinq d’entre elles constituant autant de piliers jusqu’ici très indépendants les uns des autres : le Big Data, l’intelligence artificielle, le machine learning, les objets connectés et la réalité étendue (XR).

Considérée comme de la science-fiction il y a encore peu, la X Reality (XR ou Cross Reality) consiste en des expériences basées sur la technologie qui combinent les réalités numériques et biologiques. Cette technologie englobe un large éventail de matériels et de logiciels, y compris des interfaces sensorielles, des applications et des infrastructures permettant la création de contenu pour la réalité virtuelle, la réalité mixte, la réalité augmentée, la réalité cinématographique, etc. Avec ces outils, les utilisateurs génèrent de nouvelles formes de réalité en introduisant des objets numériques dans le monde physique et en introduisant des objets du monde physique dans le monde numérique.

Avant de parler de réalité croisée ou étendue encore faut-il s’entendre sur la définition même de réalité et ce qu’elle représente pour un humain à l’échelle Individuelle. Nous avons déjà abordé la problématique des sens en tant que vecteurs d’informations qui font qu’une réalité existe pour nous est qu’elle constitue un ancrage mémorielle autant qu’émotionnel. Une réalité existe par rapport à ce que nous en retirons et cette expérience est par conséquent différente d’un individu à l’autre. Et à la différence de la réalité « physique », nous avons les moyens pour une réalité « artificielle » de nous demander en amont de sa création comment la plus marquante possible ? La réponse passe par sa personnalisation afin qu’elle corresponde en partie aux aspirations de chaque individu. Les connaître et les récolter passe d’abord par la mise en place de données exploitables qu’on appelle le Big Data.

Rassembler le maximum d’informations ne suffit pas sans une exploitation qui permette de les analyser pour créer de nouveaux éléments au service du plaisir de l’utilisateur. Mais il est humainement impossible de traiter autant de données. C’est là qu’intervient la technologie du machine learning voire du deep learning. L’apprentissage profond (en anglais deep learning) est un ensemble de méthodes d’apprentissage automatique tentant de modéliser avec un haut niveau d’abstraction des données grâce à des architectures articulées de différentes transformations non linéaires. Cette technologie est à la base notamment d’applications comme l’identification d’objets ou la reconnaissance faciale qui permettent à l’utilisateur d’interagir avec son environnement.

Nous savons tous que le monde est autrement plus complexe qu’un monde « tout blanc » ou « tout noir » or pour le moment les machines « parlent » en binaire qui n’est pas le langage le plus naturel pour interagir avec les humains. La nécessité d’améliorer cette interaction homme/machine passe par l’intelligence artificielle. L’étude comportementale, les interfaces vocales ne sont que quelques-unes des utilisations requérant une IA efficace et évolutive. Elle doit permettre à l’humain de vivre des expériences inédites générées par sa propre expérience sans qu’il y ait besoin de programmer des scénarii écrits à l’avance.

Enfin, la vue et l’ouïe sont les deux sens les plus faciles à stimuler dans un environnement numériques, le toucher pourrait suivre bientôt grâce aux objets connectés3 (IOT). Il sera possible très bientôt d’actionner des objets réels en réaction avec des actions ou objets virtuels par exemple en posant un verre virtuel sur une vraie table et la faire légèrement vibrer. Aussi anecdotique puisse paraitre cet exemple, les objets connectés ouvriraient un champ des possibles dans des domaines aussi variés que la sécurité, la santé ou l’habitation.

Vers une standardisation nécessaire des technologies XR
Les standards sont nécessaires pour faciliter l’utilisation des appareils, améliorer leur interaction, augmenter le nombre d’utilisateurs, créer un marché rentable et par conséquent baisser les prix. Pour ce faire, les machines doivent parler un même langage qui n’existe pas pour le moment, le Wi-Fi et le Bluetooth étant tout à fait insuffisants.

Cette convergence technologique est nécessaire et SoWhen? y travaille notamment avec l’Université privée Sésame avec qui elle a signé un partenariat. Il s’agit du lancement d’un laboratoire de recherche franco-tunisien sur la convergence des nouvelles technologies (Big Data, Machine Learning, Intelligence Artificielle, IOT, AR/VR) au service de l’expérience utilisateur. Ce projet nommé « kaléidoscope » consiste notamment à créer des briques technologiques et les connecter en une plateforme unique.

Comme dans la vie, la réalité étendue demande à chacun d’être responsable
Le risque induit par ces technologies est celui de l’isolement du fait d’une trop grande accoutumance. Mais même des jeux vidéo ou des applications « basiques » entraînent déjà des utilisateurs à se couper de leur famille, de leurs amis et de leur emploi  Des garde-fous sont possibles comme une intelligence artificielle pourrait mettre en garde un utilisateur se connectant trop longtemps sur des plages horaires trop étendues. Il faut cependant privilégier la responsabilisation de chacun et comme toute occupation en rappeler les règles et les risques. Ayons foi cependant dans la capacité d’adaptation de l’humain. Les possibilités offertes par ces technologies sont nombreuses et les avantages énormes ne doivent pas être occultés par les risques. Les réalités étendues faciliteront l’accès à la culture, aux soins, à l’enseignement, etc…

La filière de la communication, porte-étendard d’une réalité augmentée vertueuse
Tous les acteurs de la communication clients doivent obtenir l’adhésion des consommateurs et leur véritable richesse réside dans la confiance qu’ils inspirent à ces derniers Pour qu’un annonceur puisse créer de la valeur, il lui faudra créer une véritable histoire autour de sa marque voire tout un univers cohérent avec des valeurs ne se réduisant pas à un ensemble de services, de logo ou de films. Les possibilités offertes par la technologie XR sont immenses pour peu que consommateurs et marques puissent se respecter. L’Observatoire COM MEDIA l’a bien compris et nous avons souhaité faire partie de cet écosystème d’adhérents innovants, vertueux et responsables.

  1. Article : « Augmentée, virtuelle et mixte, les réalités dépasseront bientôt la fiction »
    http://obs-commedia.com/actu/les-realites-depassent-la-fiction/
  2. SoWhen? Fondée en 2010 par Freddy KONE et Mohamed MAROUENE suite à leur rencontre sur la production du court-métrage Logorama, SoWhen? est aujourd’hui constituée d’une équipe de 10 collaborateurs et s’appuie sur un réseau d’indépendants sélectionnés selon les besoins des productions
    Site
    internet : sowhen.fr
  3. http://obs-commedia.com/actu/les-objets-connectes-une-belle-carte-a-jouer-par-les-entreprises-francaises/
About the Author

L’Observatoire COM MEDIA regroupe, depuis 2008, près de 300 acteurs de la filière de la communication (annonceurs, prestataires et institutionnels). L’association a matérialisé son positionnement autour des enjeux de la nouvelle économie de la communication. Les travaux réalisés portent sur le décloisonnement des métiers/secteurs, sur la structuration de la filière (constituée de 41 000 entreprises réparties en 19 secteurs d’activité) et sur l’accélération du business des entreprises par leur mise en relation entre les acteurs à travers des événements, des groupes de travail et des plateformes numériques.

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