Les retards de paiement font craquer les PME

Dans cet article, publié dans l’hebdomadaire L’Usine Nouvelle dans l’édition du 29 janvier 2015, nous retrouvons les propos de Pierre Pelouzet (Médiateur National aux relations inter-entreprises) et ceux d’Emmanuel Chevasson (dirigeant de Pacotte & et Mignotte) sur le sujet des délais de paiement. Le dirigeant d’entreprise a décidé d’être intransigeant avec ses clients « mauvais payeur ».

Source : Usine Nouvelle

« Le respect des délais de paiement pourrait faire revenir plus de 10 milliards d’euros dans les caisses des PME. Et éviter bon nombre de défaillances…

« Nous réalisons 95 % de notre chiffre d’affaires à l’export, raconte Laurent Vronski, le président d’Ervor, un fabricant de compresseur d’air installé à Argenteuil (Val-d’Oise). Et il est plus facile de se faire payer par des clients en Nouvelle-Zélande qu’en France ! Beaucoup trop de sociétés considèrent leurs fournisseurs comme une variable d’ajustement. » La colère gronde chez les patrons de PME qui n’en peuvent plus de devoir faire crédit à leurs clients. Surtout les grandes entreprises, qui profitent de leur position de force pour financer leur fonds de roulement sur les plus petites… Résultat, les retards de paiement s’accumulent et plombent la trésorerie des PME. Au point que 25 % des faillites sont dues à ces retards, rapporte la médiation interentreprises. Selon les chiffres du cabinet Altarès, les retards ont pourtant eu tendance à se stabiliser en 2014, autour de douze jours. Douze jours qui se font cependant beaucoup plus cruellement ressentir par les PME aujourd’hui, après plusieurs années de crise et de trésorerie tendue. D’autant qu’ils ne reflètent qu’une partie de la réalité. « Il s’agit d’une moyenne pour toutes les entreprises, explique Pierre Pelouzet, le médiateur national interentreprises. Pour les PME, c’est sans doute beaucoup plus, on est sans doute plus près de 30 jours. » S’ajoutent aux délais de paiement officiels les retards non comptabilisés. Quand, par exemple, le client tarde à émettre un bon de commande pour retarder l’émission de la facture. Enfin, les litiges imaginaires (facture incomplète, mauvaise adresse de facturation…) tendent à se multiplier. Selon le baromètre 2014 du cabinet Arc (recouvrement de créances), 27 % des entreprises ont constaté une augmentation des litiges qui, dans 37 % des cas, se révélaient infondés.

DES ENTREPRISES S’ORGANISENT

Et pourtant, si les clients payaient à l’heure en respectant la loi de modernisation de l’économie de 2008 (45 jours fin de mois ou 60 jours calendaires), entre 10 et 15 milliards d’euros retourneraient dans les caisses des entreprises. Un mini-effet Cice ! En 2009, la LME avait permis d’améliorer les délais de paiement mais, la crise financière aidant, les mauvais payeurs ont repris leurs vieilles habitudes. En mars 2014, la loi Hamon a donc remis le couvert avec de nouvelles mesures plus coercitives. Là encore, un an après la promulgation du texte, les effets tardent à se faire sentir. En cause, des opérations de lobbying de certains grands groupes pour retarder la parution des décrets d’application de la mesure imposant aux commissaires aux comptes de signaler à l’administration les retards de paiement générés ou subis des entreprises qu’ils doivent contrôler. « Cette mesure fait grincer des dents », croit savoir Pierre Pelouzet. Les grandes entreprises et les ETI n’ont pas envie que l’on pointe du doigt leurs travers… Une autre disposition prévoit des amendes administratives, jusqu’à 375 000 euros, en cas de non-respect des délais de paiement. La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes a pour cela obtenu des pouvoirs élargis. « Le risque, c’est qu’il y ait tellement de dossiers que ce ne soit pas suivi d’effets », tempère Denis Le Bossé, le président du cabinet Arc.

Tous les grands groupes ne sont pas de mauvais payeurs. Legrand, Schneider ou Dassault sont arrivés en tête du sondage de Croissance Plus sur le respect des délais de paiement en 2013. LVMH est réputé pour prendre soin de ses fournisseurs. Il n’a pas le choix : la plupart détiennent un savoir-faire rare. Confrontées à ce véritable enjeu de survie, des entreprises commencent à s’organiser. Une PME girondine a dédié une personne au suivi des factures et son PDG monte trois ou quatre jours par mois à Paris pour faire la tournée de ses clients et récupérer les chèques. Le fabricant de fenêtres dijonnais Pacotte et Mignotte a, quant à lui, saisi huit fois la médiation interentreprises pour des retards de paiement [lire l’encadré]. Radical, Laurent Vronski, le président d’Ervor et le vice-président de Croissance Plus, soutient qu’il ne faut pas avoir peur de signaler les mauvais payeurs. « Ne pas vouloir mettre ses affaires en danger est un mauvais calcul, plaide-t-il. Un bon client, c’est un client qui paye. » Face à une grande entreprise qui ne l’avait pas payé au bout de six mois, il a ainsi immobilisé le produit à distance. « Miracle, en 48 heures ils ont payé ! », s’exclame-t-il.

COMMENT SE PROTÉGER

Des outils financiers permettent également de se protéger. Traditionnellement, les PME utilisent le découvert bancaire pour faire le lien entre les délais clients et les délais fournisseurs. Mais les solutions d’affacturage (le factor finance la PME pour le montant des factures qui lui sont dues, moyennant un taux d’intérêt) peuvent s’avérer plus intéressantes. Elles permettent d’être moins sensibles aux retards, surtout si elles sont doublées d’un contrat de recouvrement. Les contrats d’assurance-crédit donnent aussi des indications au jour le jour sur l’état des finances de son client. « Si la garantie est retirée à un client, nous demandons le paiement comptant », résume Laurent Vronski. Plus prospectif, Denis Le Bossé estime que la dématérialisation de factures réduira les litiges en standardisant les échanges entre les clients et les fournisseurs. « D’ici cinq à dix ans, cela se généralisera », assure-t-il. En attendant, 2015 ne devrait pas encore voir d’amélioration sur le front des retards. Leur évolution a en effet tendance à suivre celle de l’économie générale, il faudra donc sans doute attendre une véritable reprise pour espérer une réduction des délais moyens. ?? »

 

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L’Observatoire COM MEDIA regroupe, depuis 2008, près de 300 acteurs de la filière de la communication (annonceurs, prestataires et institutionnels). L’association a matérialisé son positionnement autour des enjeux de la nouvelle économie de la communication. Les travaux réalisés portent sur le décloisonnement des métiers/secteurs, sur la structuration de la filière (constituée de 41 000 entreprises réparties en 19 secteurs d’activité) et sur l’accélération du business des entreprises par leur mise en relation entre les acteurs à travers des événements, des groupes de travail et des plateformes numériques.

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